jeudi 26 juillet 2012

Ya bayé ya bayé ya bayé !





J’arrête un taxi au hasard. Une Ford  des années soixante-dix. Le vieux chauffeur est une relique. Décidément, ces années-là ne lâcheront pas ma mémoire. Emmenez-moi à Broumana s’il vous plaît. Par la nouvelle route. Connaissez-vous la nouvelle route ? Il ne répond pas. Il roule de Beyrouth ouest vers Achrafié, bifurque à droite. En effet, il ne semble pas la connaître. Embouteillage. Je dis : Comme si vous alliez à Jbeil. Il y a une nouvelle autoroute. Il dit : Oh mais je n’aurais jamais dû venir par là ! Ya bayé ya bayé ya bayé ! (Mon père mon père mon père ! ) Non, il aurait suffi de prendre la route du nouveau Centre-ville. Ya bayé, ya bayé ! bref, il rectifie son trajet. Il roule. Passez par le grand arbre. C’est le point de repère de ma mère.Vous voulez dire le bureau des Kataëb ? Si vous voulez. Il roule. Il doit s’arrêter pour faire le plein d’essence. Il ne pensait pas faire un si long trajet (vingt minutes), habitué à rouler uniquement sur Hamra- un pâté de maisons-  Roulez jusqu’au McDo puis tournez à droite à l’indication Joura-Broumana. Enfin il découvre la belle grande autoroute. Le vieux monsieur se transforme en James Bond. Il bombe le torse et appuie sur l’accélérateur. Pas d’embouteillage, il est heureux. Grimpe les collines, les virages sont de plus en plus raides. Il rejoint l’ancienne route, les rues deviennent étroites. Appréhendant à chaque virage une voiture en sens inverse. Le lieu où habitent mes parents est bien niché, la vieille Ford doit redescendre dans une vallée. Ya bayé ya bayé ! Je retiens mon fou rire !  Quand je lui paie le trajet, il m’offre son sourire édenté. Je m’appelle Riyad. Merci Riyad. Bon retour. Allez-vous savoir retrouver le chemin ? Vous pouvez reprendre l’ancienne route si vous voulez. En remontant vers la rue principale.

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